Autrement dit est-ce que la résolution prise en assemblée générale approuvant la distribution de la totalité des dividendes à l’un seul des associés peut être qualifiée de donation indirecte consentie par l’associé n’en percevant aucun au profit de celui les percevant en totalité
La qualification de donation a été exclue par un arrêt rendu le 18 décembre 2012 par la chambre commerciale de la Cour de cassation. On peut également citer un arrêt rendu le 9 janvier 2023 par la cour d’appel de Paris (CA Paris pôle 5 ch. 10 9 janv. 2023 n° 21/04503).
L’hypothèse soumise à la cour d’appel de Paris était la suivante : Au cours d’une assemblée générale d’approbation des résultats, les associés ont pris la décision de distribuer la totalité des dividendes à l’un des associés, pourtant minoritaire.
Y voyant matière à requalifier l’opération en donation indirecte, l’administration fiscale a adressé à la société unique bénéficiaire du dividende une proposition de rectification assujettissant aux droits de mutation à titre gratuit l’attribution des sommes qui auraient dû revenir à l’autre associé, titulaire de la majorité des parts de la SARL.
La cour d’appel de Paris a estimé que les éléments permettant de qualifier une donation au sens de l’article 894 du Code civil n’étaient pas réunis notamment car la décision de distribuer des dividendes au profit de l’un des associés n’avait pas été prise par l’autre associé mais par l’organe délibérant de la SARL.
Dit autrement, l’écran de la personnalité morale suppose, d’une part, qu’il soit fait abstraction des décisions prises individuellement par chaque associé de sorte que l’assemblée générale (qui conditionne la transformation des bénéfices en dividendes) ne saurait être appréhendée comme une juxtaposition de ces décisions et, d’autre part, d’admettre que le patrimoine de la société ne saurait se confondre avec celui de ses associés. L’animus donandi n’existe pas faute de pouvoir assimiler la décision de l’organe social à une décision de l’associé.
Ces décisions permettent elles pour autant de se considérer à l’abri de toutes contestations ?
Non car la décision aboutissant à une répartition inégale des bénéfices demeure contestable aux yeux de l’administration fiscale : En effet si la qualification de donation indirecte ne paraît pas pouvoir prospérer en l’état d’une jurisprudence faisant de l’écran de la personnalité morale l’alpha et l’Omega de son raisonnement, il n’en demeure pas moins que le Bofip (Bulletin Officiel des Finances Publiques) rappelle que « de telles opérations pourront, le cas échéant, et selon les circonstances propres à chaque affaire, faire l’objet d’une procédure de rectification contradictoire ou d’abus de droit fiscal » (BOI-ENR-DMTG-20-10-10 n°100). Une telle décision n’est donc pas à l’abris de la critique sur le terrain fiscal.